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H. Stockage et diffusion d’une image numérique

H.1. La définition – la résolution – le pouvoir séparateur

On confond souvent les termes définition et résolution.
La définition d’une image numérique est simplement le nombre de pixels, qui la composent. Les APN actuels proposent des définitions variant de 6 mégapixels à 21 mégapixels (méga = 1 million).
La résolution s’exprime en points par pouces (ppp) ou dots per inch (dpi) en anglais (1 pouce = 25,4 mm). Elle dépend donc de sa taille : une même image agrandie conserve la même définition, mais sa résolution diminue.
L’œil humain a un pouvoir séparateur θ de l’ordre d’un soixantième de degré. À une distance de 30 cm, qui est la distance minimale pour observer sans effort une photo, cela signifie que l’œil ne peut pas différencier deux points séparés de moins de 300 x sin (1/60°) = 0,09 mm, ce qui correspond à une résolution de 25,4 / 0,09 = 282 ppp.

pouvoir sep

IL EST DONC TOUJOURS INUTILE DE DÉPASSER UNE RÉSOLUTION DE 300 DPI

Pour un tirage au format 10 cm x 15 cm, une définition de 1200 x 1800 = 2,2 mégapixels suffit donc !
Pour un tirage au format 20 cm x 30 cm, une définition de 2400 x 3600 = 8,6 mégapixel est optimale.
Pour un tirage au format 30 cm x 45 cm, une définition de 3600 x 5400 = 19,4 mégapixels est optimale !
Pour un tirage au format 40 cm x 60 cm, une définition de 4800 x 7200 = 34,5 mégapixels est optimale !!!

Ceci dit, les derniers calculs ne tiennent pas compte de la distance à laquelle on regarde un agrandissement. Il est raisonnable de considérer que l’on regarde une image au format 30 cm x 45 cm à une distance d’au moins 50 cm. Dans ce cas, le pouvoir séparateur de l’œil correspond à 0,15 mm, ce qui équivaut une résolution de 175 dpi, soit une définition de 2100 x 3150 = 6,6 mégapixels. Ouf !

De même pour un format 40 cm x 60 cm observé à la distance raisonnable de 1 m, le pouvoir séparateur correspond à 0,29 mm, ce qui équivaut à une résolution de 90 dpi, soit une définition de 3240 x 2160 = 7 mégapixels. Sauvés !

Une affiche au format 3 m x 4 m, observée à une distance de 5 m pourra être composée de points séparés de 1,5 mm, ce qui correspond à une définition de 2060 x 2750 = 5,7 mégapixels. Si l’on regarde de trop près une affiche publicitaire, on observe qu’elle est composée d’une multitude de petits points.

Chacun tirera l’enseignement de ces calculs selon sa propre utilisation, mais retenons que :
- 3 millions de pixels sont suffisants pour des tirages au format 10 cm x 15 cm ;
- 8 mégapixels permettent largement d’imprimer tout format de tirage ; - une définition supérieure (10 ou 12 mégapixels) est un confort, qui permet notamment de recadrer une image tout en conservant une définition suffisante.

H.2. La compression

La place mémoire occupée par une image de 3 millions de pixels, codés chacun sur 8 bits par couleur, soit 24 bits est de 72 mégabits, soit 9 Mo (Mo signifie "mégaoctet" ; 1 octet = 8 bits). Elle est de 30 Mo pour une image de 10 mégapixels ! D’où la nécessité de réduire la taille de ces fichiers pour des problèmes à la fois de stockage et de durée de traitement.

Nous avons vu que le format d’image JPEG était un format compressé. La compression est un ensemble de calculs qui permettent de réduire la place mémoire occupée par une image numérique sans réduire sa définition.
La compression JPEG consiste à regrouper en une seule information les pixels de même valeur d’une image numérique. En augmentant le taux de compression, on demande à l’APN ou au logiciel de considérer comme identiques des pixels qui sont peu différents ; le taux de compression correspond au degré de tolérance. Le format JPEG est donc "destructif" car, selon le taux de compression, certaines informations sont perdues. Cela se traduit par des défauts, appelés artefacts, visibles notamment dans les zones de dégradés.

compression

H.3. Quelques mots sur la colorimétrie

La question envisagée dans ce paragraphe peut sembler simple ; elle est en fait aussi vaste que complexe. Nous ne ferons qu’en aborder succinctement les grandes lignes.

H.3.a. Espaces colorimétriques

L’image que nous observons sur un écran, sur un tirage photo ou à la sortie d’une imprimante est une interprétation d’un fichier numérique. Il suffit d’observer le même fichier numérique sur des écrans différents pour se rendre compte que son interprétation varie très fortement. De même un tirage d’un même fichier numérique effectué par deux laboratoires différents ne donnera souvent pas le même résultat. Une parfaite illustration de ce problème peut être observée chez un revendeur de téléviseurs : les écrans affichent tous la même image numérique avec une colorimétrie et donc des résultats très variables.

Or, il est important pour un photographe, que l’APN enregistre ce qu’il voit, que l’écran transcrive correctement les couleurs enregistrées par l’APN et qu’enfin, le tirage soit aussi conforme que possible avec ce qu’affiche l’écran. C’est ce que l’on appelle le respect de la chaîne colorimétrique.
L’ensemble de toutes les nuances de couleurs auxquelles est sensible l’œil humain standard (environ 10 millions de nuances) définit un espace colorimétrique.

Cet espace colorimétrique est le plus large ; on dit qu’il possède le gamut (gamme de couleur en français) le plus étendu : en dehors de cet espace, on trouvera des "lumières invisibles" pour l’œil humain : ultraviolets, infrarouges,… Cet espace colorimétrique a été défini grâce à une analyse statistique de la sensibilité de l’œil humain aux couleurs, effectuée sur un échantillon représentatif d’êtres humains. Il est aujourd’hui utilisé comme référence sous le nom d’espace CIE-Lab (CIE : commission internationale de l’éclairage).

H.3.b. Profils ICC

Là où les choses se compliquent nettement, c’est que les différents éléments de la chaîne colorimétrique (APN, écran, imprimante,…) sont très loin de pouvoir reproduire toutes les nuances de l’espace CIE-Lab. Autrement dit, leur espace colorimétrique possède un gamut bien moins étendu que celui de l’espace CIE-Lab.

Par conséquent, lors de l’interprétation des couleurs, à chaque étape de la chaîne colorimétrique, des couleurs sont perdues. Par exemple, des couleurs bleues très saturées, parfaitement observables sur un écran, ne sont reproductibles par aucune imprimante, car les encres ne le permettent tout simplement pas. Il est donc fondamental de connaître l’espace colorimétrique d’un périphérique, c’est-à-dire l’ensemble des couleurs, qu’il est capable d’enregistrer (APN, scanner,…) ou de reproduire (écran, imprimante,…). Bien entendu, l’information perdue ne sera pas pour autant récupérable, mais cela permettra d’en tenir compte dans le traitement du fichier pour optimiser son rendu final.

Ces informations, qui définissent les capacités colorimétriques d’un périphérique, sont stockées dans un fichier appelé profil ICC (International Color Consortium).

Un profil ICC contient à la fois :
- les limites de l’espace colorimétrique du périphérique : son gamut ;
- une table de correspondance entre l’espace colorimétrique de ce périphérique et les couleurs réelles de l’espace CIE-Lab de référence.

H.3.c. Espaces de travail

Les espaces de travail sont des espaces colorimétriques définis indépendamment de tout périphérique. Ce sont des normes, qui servent de dénominateur commun entre les différents périphériques utilisés dans la chaîne colorimétrique. L’espace CIE-Lab en est un exemple, mais on préfère travailler dans des espaces du type RVB (Rouge, Vert, Bleu).

Les deux espaces de travail les plus répandus en photographie sont :
- l’espace sRVB : c’est un espace colorimétrique, dont le gamut est peu étendu, mais cela fait aussi son intérêt, car la plupart des périphériques savent enregistrer ou reproduire toutes les couleurs qui le composent : c’est donc l’espace colorimétrique de référence dans tous les échanges informatiques, notamment sur Internet ;
- l’espace Adobe RVB 1998 est plus vaste que le précédent et permet donc une retouche plus fine des photos. C’est donc l’espace colorimétrique à privilégier lorsque l’on souhaite avoir un meilleur contrôle de l’image. C’est actuellement un espace de référence dans le monde de l’image. Il reste cependant nettement moins étendu que l’espace CIE-Lab, ce qui signifie concrètement que certaines nuances de couleurs pourtant visibles, n’existent pas dans cet espace colorimétrique.

H.3.d. La chaîne colorimétrique

À la lumière de ces nouvelles notions, reprenons toute la chaîne colorimétrique depuis l’objet photographié jusqu’à la diffusion d’une image.
- L’objet photographié émet toutes sortes de lumières visibles ou non. Naturellement, seules les couleurs visibles (celles de l’espace CIE-Lab) nous intéressent ici.
- L’APN enregistre ces couleurs dans son propre espace colorimétrique, ce qui constitue déjà une interprétation : cet espace colorimétrique est moins étendu que l’espace CIE-Lab, du fait notamment de la dynamique limitée du capteur. Pour autant, il est tout à fait illusoire de définir cet espace colorimétrique car les conditions d’éclairage changent en permanence (excepté si l’on travaille dans un studio photographique à éclairage constant).
- Les données brutes ainsi recueillies sont ensuite converties dans un espace de travail (sRVB ou Adobe RVB 1998 selon la configuration de l’APN). Si l’on utilise le format RAW, on peut choisir son espace de travail au moment du traitement.
- Le fichier est ensuite exporté vers l’ordinateur et l’écran en donne une interprétation. Cette étape est primordiale car la fidélité d’un écran est rarement satisfaisante. Il est donc vivement conseillé de calibrer son écran, c’est-à-dire de lui attribuer un profil ICC sur mesure. Cela se fait à l’aide d’une sonde de calibration ou, à défaut, à l’aide d’un logiciel. Les informations contenues dans ce profil ICC servent à modifier le comportement de l’écran par l’intermédiaire de la carte vidéo. Par exemple, si un écran a une dominante verte, le profil ICC commandera à la carte vidéo de diminuer en conséquence la composante verte.

Si l’écran est mal calibré, il peut s’avérer très préjudiciable de traiter les photos : imaginons par exemple un écran qui a tendance à afficher des couleurs manquant de saturation. On voudra légitimement retraiter les images en les saturant davantage pour compenser ce "défaut" apparent. Or, en faisant cela, on modifie le fichier tel qu’il est dans l’espace de travail et non tel qu’on le voit dans l’espace colorimétrique de l’écran. On se retrouvera donc finalement, à son insu, avec une photo trop saturée…

Une fois que l’on est satisfait du rendu de l’image sur l’écran calibré, le fichier peut être diffusé :
- si l’image numérique n’a pas vocation à être imprimée, il faudra la convertir dans l’espace colorimétrique le plus universel : l’espace sRVB (si ce n’est pas déjà le cas) ;
- si l’image doit être imprimée, il faudra la convertir dans l’espace colorimétrique de l’imprimante, ce qui impose de connaître son profil ICC. Certains laboratoires de tirage en ligne mettent à disposition le profil ICC de leur matériel d’impression.

Attention : cette procédure idéale n’interdit évidemment pas à ceux que tout cela dépasse et qui n’ont pas un écran correctement calibré, d’imprimer et de diffuser des photos ! Il faudra simplement opérer avec précaution en choisissant préférentiellement l’espace sRVB tout le long de la chaîne colorimétrique, pour sa plus grande compatibilité. Il faudra également faire confiance aux laboratoires de tirage, qui proposent d’optimiser automatiquement les photos en fonction de leur matériel d’impression.

L’organigramme suivant récapitule les opérations décrites ci-dessus :

chaine color

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